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Anthropomorphisme et équitation


L’anthropomorphisme est la tendance de l’homme à attribuer aux animaux des caractéristiques et des comportements humains. L’équitation relie deux êtres très différents dans un mouvement commun, dans une quête de symbiose et d’harmonie.

Cette proximité que nous avons avec les chevaux depuis des siècles tend à lisser les différences entre les deux espèces ; nous avons tendance à voir le cheval comme une projection de nous-même, nous lui attribuons des émotions, des besoins et des plaisirs humains. Pourtant le cheval a évolué dans un contexte zoologique très diffèrent du notre, qui l’a mené à être une proie, dotée de sens très développés et d’une capacité motrice exceptionnelle ; c’est probablement cette différence qui nous attire tant chez lui.

Dans cet article je ne vais pas rentrer dans les détails des études comportementaux et morphologiques liés aux chevaux (beaucoup d’ouvrages très complets sont à votre disposition pour mieux connaître le cheval et son monde), je vais plutôt vous proposer une idée de réflexion sur le comportement du cavalier vis-à-vis de son compagnon équin.


L’anthropomorphisme chez le cavalier :

Nous agissons et réfléchissons sur le monde qui nous entoure avec un bagage culturel et personnel très chargé. En effet lorsque nous voulons, par empathie, nous mettre à la place de l’autre (humain ou non) nous le faisons en nous plaçant exactement à la place de l’autre, en oubliant que l’autre est différent de nous.

Dans le monde du cavalier, cela se traduit par donner aux chevaux des sentiments et des besoins que nous, en tant qu’individus, nous avons, et cela ne peut mener qu’à de l’incompréhension. Prenons un exemple pour les émotions : lors d’un cours d’équitation, le cheval ne veut pas effectuer un exercice ; même si nous renouvelons la demande le cheval refuse de répondre. Nous allons nous dire, ou on va nous dire que ce cheval ‘’nous embête’’ qu’il est ‘’têtu’’, ‘’fainéant’’, voire ‘’méchant’’, mais ces critères sont strictement humains. Le cheval lui, a comme but premier de satisfaire son confort personnel. Dans sa logique, il veut donc arrêter cette demande qui lui crée de l’inconfort.

Cette situation mène donc le cavalier à ressentir de l’énervement et/ou de la frustration qui, perçue par le cheval, se traduis par une agression et remet l’humain dans son rôle de prédateur. Voici la confiance rompue et l’incompréhension installée.

Ce qui se passe dans cette situation pour le cheval est pourtant simple : si nous sommes disponibles à écouter, il nous dit qu’il y a un problème dans l’instant présent ; soit il a mal, soit il n’est pas prêt, soit il n’a pas compris (car le cavalier n’a pas su bien demander), soit il a peur.

Un exemple sur les besoins :

combien de fois avons nous vu des chevaux emmitouflés dans leur box bien au propre ? Je suis certaine que ce qui pousse les propriétaires de ces chevaux, est l’envie de voir leurs chevaux dans un état de confort et de bien-être. Or, ceci est notre vision du confort : si nous avons froid, nous nous habillons chaudement, notre lit est propre et bien chaud, tout comme notre maison.

Le cheval, quant à lui, n’a pas la même notion du froid que nous. Si nous avons froid, cela ne veut pas dire que lui aussi. Lui, il a une épaisse fourrure qui le protège et un meilleur système vasculaire ! Nous aimons manger trois fois par jours, être propre, dormir à l’abri et au chaud. Le cheval a besoin d’espace, de ruminer, de se salir et de la présence de ses congénères.


Les dangers de l’anti-anthropomorphisme :

Placer le cheval dans une position humaine est néfaste pour son bien-être, mais attention à ne pas tomber dans l’extrême inverse. L’homme et le cheval sont des animaux différents, pourtant nous sommes tous deux des mammifères sociaux. Nous avons donc aussi des points en commun qu’il serait malheureux d’ignorer.

Une autre chose que je trouve importante de rappeler, est que la majorité des études éthologiques auxquelles nous avons accès, se base sur l’étude comportementale de chevaux sauvages. Or nous contraignons de fait depuis la naissances nos chevaux. Comment peuvent-il avoir les mêmes besoins que les chevaux sauvages ?

Reprenons notre exemple sur le froid :

nous voyons notre cheval trembler de froid, nous savons que le tremblement est là pour réchauffer le cheval, (tout comme chez nous d’ailleurs) et qu’il va chercher à se mettre à l’abri. Cependant, si l’abri n’est pas à sa disposition ou que les températures sont trop basses pour ce cheval en particulier, il peut tout aussi bien tomber en hypothermie.

Si nous voulons garantir le bien-être de notre cheval, je pense que nous voudrions lui éviter de ressentir de l’inconfort, or trembler de froid en est un.

A l’état naturel, le cheval n’a pas accès à une couverture ou à un box. Cependant, l’espèce va survivre grâce à sa capacité d’adaptation, mais cela ne veut pas dire que tous les individus vont survivre.

Il faut noter aussi que chaque espèce actuellement à l’état sauvage est spécifique à une zone climatique et géologique. Elle a pu évoluer sans contact humain pendant des milliers d’années pour une meilleure adaptation au territoire. Nous ne pouvons pas en dire autant de nos chevaux d’élevage qui ont perdu pour la plupart leur rusticité.

Nous devons donc nous rappeler que, oui, le cheval est plus résistant que nous au froid, mais il n’ y est pourtant pas insensible et il n’est pas invulnérable. C’est ici que la notion de confort (pas le nôtre, mais celui du cheval) entre en jeu. Il est de notre devoir de veiller à son bien-être, car nous l’utilisons pour notre plaisir à nous, en sachant que nous avons occupé ses territoires et l’avons sorti de son état naturel.


Mais alors, que devons-nous faire?

Connaître le cheval et ses besoins primaires sont deux impératifs pour respecter son cheval et son bien-être ; le cheval doit être vu comme un cheval, sans aucune ambiguïté, afin que l’homme puisse s’adapter à sa vision du monde et à ses besoins.

Mais soyons sincères avec nous même sur deux choses : L’Homme est fondamentalement incapable de sortir complètement du schéma anthropomorphique. Cela est dû d’une part à notre culture (occidentale) et au caractère premier qui définit l’animal humain : la domination.

Nous sommes allez chercher le cheval pour en faire d’abord un outil de travail et de guerre, et dans notre société actuelle un compagnon de vie. C’est l’humain qui a domestiqué le cheval (étant un animal domesticable) et il doit assumer ce rôle de domination.

Détenant un énorme pouvoir sur les chevaux, nous décidons de leur droit de vie et de mort, leur reproduction, leur lieu de vie, leur alimentation, leur socialisation, leur motricité et leur génétique.

Si nous acceptons cette impuissance face à nous même, nous pouvons nous libérer des dogmes et aller à la rencontre du cheval en faisons de notre mieux pour créer une relation qui se base sur le respect, la compréhension et le bien-être.


Une porte de sortie? L’anthropomorphisme conditionnel :

L’anthropomorphisme conditionnel consiste à se positionner entre les deux extrêmes : reconnaître nos similitudes, accepter notre impuissance face à nous même, et prendre conscience du rôle et des devoirs que nous avons face à notre cheval.

Dans la pratique, cela veut dire qu’en tant qu’humain, nous allons essayer de nous mettre à la place du cheval en pensant à ses besoins équins. Mais attention, nous allons nous mettre à la place du cheval et non des chevaux, car certains besoins ne se sont pas communs à tous, et certains chevaux ont une notion de confort différente des autres.

Plutôt que d’éliminer un élément, de peur qu'il soit anthropomorphique, mieux vaut se demander s’il correspond ou non au cheval en question, en prenant comme repère ce que nous connaissons de lui. En conclusion, je pense que d’une manière générale nous pouvons dire que laisser le choix aux chevaux est souvent la meilleure des solutions possibles.

Camellini Giulia

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